Que penser de la prochaine réforme de l'Etat ?

Publié le par forces-wallonnes

Dans sa version originale, la première constitution belge était un texte assez remarquable, moderne et libéral. Il a d'ailleurs servi d'inspiration pour écrire les lois fondamentales de plusieurs autres pays par la suite. Ce texte présentait pourtant dès le départ deux graves inconvénients. Le premier, d'ordre symbolique, était de conférer à un souverain héréditaire le rôle de clé de voute du système. Le second, d'ordre pratique, était de n'absolument pas prendre en compte le caractère composite de ce nouvel Etat. Ce faisant, il consacrait la prépondérance d'une caste de possédants  francophones (et Flamands dans leur très grande majorité) qui s'appuyaient sur la population de langue flamande majoritaire.

La conséquence des convulsions communautaires liées au besoin normal de reconnaissance du fait linguistique flamand a été une succession de révision de la constitution qui a abouti à la création d'un monstre institutionnel dont la population dans son ensemble n'a pas encore intégré les tenants et aboutissants, quelque quarante ans après le début de la dernière mutation fondamentale.

Ceci étant, la constitution belge actuelle, si on fait l'impasse sur le rôle toujours important et d'autant plus anachronique et contestable qui est dévolu au souverain, n'est pas à proprement parler trop bancale. Elle reflète assez bien la nature tout à fait particulière de cet Etat et donc l'existence d'ethnies distinctes dont les intérêts sont souvent divergents mais qui doivent coopérer volens nolens. Pour ce faire, on a inventé des mécanismes et des instances qui vont très loin dans le jeu fédéral et/ou confédéral, ce que reconnaissent volontiers les constitutionnalistes étrangers, mais curieusement avec beaucoup plus de réticence les "éminences belges" (Delperée etc).

Le véritable problème est que le prescrit constitutionnel n'est pas admis par tous et ne revêt pas la même signification pour tous. Il apparait en particulier que la Flandre et une certaine frange francophone dans son ensemble récuse le concept pourtant fondamental de la dualité entre régions et communautés. La plupart des Flamands et ceux qui, bien que parlant français, n'ont pas encore intégré l'évolution institutionnelle ont une lecture essentiellement communautaire (certains diront tribale, je dirais communautariste) de la loi fondamentale, ce qui les conduit à prendre de grandes libertés avec celle ci en méconnaissant l'existence du fait régional, une spécificité pourtant reconnue. Il y a là une mauvaise foi caractérisée et en tout cas une véritable faille consubstantielle dans l'ouvrage, que celui ci ne pourra surmonter et qui causera son effondrement.

Ce n'est donc pas la constitution belge, mais l'usage qu'en font les politiciens belges qui est la cause ultime de la proche ruine de l'édifice. La Belgique est un état impossible, un champ clos où s'affrontent plusieurs notion différentes, concurrentes et inconciliables du vivre ensemble. Aucune forme de constitution (sauf - mais n'est-il pas trop tard ? - un confédéralisme organisé sur base des quatre régions autonomes et égales en droits) ne peut lui donner des règles de fonctionnement stables et durables.

La réforme qui aura lieu prochainement ne sera qu'une étape de plus (la dernière ?) jusqu'au moment où on constatera réellement l'impossibilité de continuer.

Publié dans Analyses

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